Voici l’histoire vraie d’un jeune enfant adolescent de 14 ans, nous l’appellerons Léo.
C’est un enfant révolté, qui ne rentre pas dans les « normes de la société ». Mineur, sans famille, il est sous la responsabilité de l’Etat. Il passe de familles d’accueil à foyers de l’enfance… Il est intenable, n’accepte pas les règles, refuse la scolarité, il est toujours en « fugue ». Il préfère vivre dans la rue, malgré les coups et les agressions diverses et multiples, Il a fait le choix de vivre libre. Léo est un SDF (sans domicile fixe). Comme tous les SDF, il ne mange pas tous les jours, ne se lave pas, vit au jour le jour. Il est sale et ne sent vraiment pas bon… on sait qu’il est là !

Il arrive aux urgences pédiatriques, encore une fois, accompagné des policiers et d’un éducateur. Léo n’est pas malade, Il faut l’hospitaliser, le temps de mettre en place une nouvelle procédure d’accueil.
Les services de soins pédiatriques ne veulent plus l’accueillir car ils n’ont pas les moyens de le surveiller, il n’a pas de pathologie et que, de toute façon, il fugue.
Il restera donc dans le service d’hospitalisation de courte durée des urgences pédiatriques.
Léo sait que l’hôpital ne peut pas le renvoyer car il est mineur.
Cet adolescent n’est pas violent mais sa présence dérange et perturbe le fonctionnement du service car les équipes doivent mettre tous les moyens en oeuvre pour l’empêcher de fuguer. Il est mineur donc sous « notre responsabilité ». Comment faire à moins de l’attacher ou de l’enfermer à double clés, ce qui est interdit ! A chaque fois donc, une nouvelle déclaration de fugue est faite , faxée au commissariat et archivée au dossier.
Cette situation nous perturbe doublement :
En tant que citoyen : elle nous renvoie en pleine figure le manque de moyens et de prise en charge de ces mineurs « à la marge » des normes fixées par la société
En tant que soignant : elle nous interroge sur le sens profond du soin qui va au delà de « traiter une maladie »

Que faut-il retenir de cette histoire ?
– Sur le plan légal et administratif :
l’hôpital a le devoir d’accueillir et de protéger un mineur, quelque soit sa situation.
Toute sortie de mineur sans autorisation médicale et sans accompagnement d’un adulte ayant autorité doit être signalée.
– Sur la prise en soin de Léo
Léo est accueilli sans jugement, sans justifications, comme n’importe quel adolescent grâce à la mise en place de rencontres multidisciplinaires qui ont permis d’accepter une hospitalisation sans motif médical.
– Sur les bénéfices pour Léo
À chaque hospitalisation:
- Léo peut se laver, récupérer des vêtements propres ( un petit stock est constitué par les équipes soignantes).
- Léo bénéficie d’une chambre avec une télé et de repas chauds.
- Léo peut aussi compter sur des personnes à qui parler et qui essayent de proposer d’autres alternatives même si cela ne correspond pas à ses attentes. Malgré tout, c’est lui apporter attention de façon bienveillante.
Léo n’a jamais rien cassé , rien volé. Il se contentait de passer quelques instants dans le calme , se reposer à l’abri.
C’est souvent après le petit-déjeuner que Léo repartait « vivre sa vie »
Les multiples hospitalisations et fugues ont duré jusqu’aux 18 ans de Léo. Devenu adulte, nous l’avons perdu de vue.

Prendre soin de l’autre, surtout quand il faut sortir du « cadre » et que cela dérange, c’est savoir dépasser ses aprioris pour laisser entrer la part d’humanité de notre métier avec toutes les valeurs qu’elle transporte.
Petit clin d’oeil sur l’étymologie du mot hôpital :
Hospital/hôpital : L’accent circonflexe remplace le s de l’ancien mot hospital, qui subsiste dans hospitalier, hospitalisation, hospitalité, hospice (du latin hospitium = droit divin de l’invité et devoir divin de l’hôte) www.larousse.fr